
Les pièces de 1 et 2 centimes d’euro, bien que symboliques, représentent près de 46 % des pièces en circulation dans la zone euro, selon les données de la Banque centrale européenne (BCE) de 2022. Pourtant, leur utilité réelle et leur coût de production soulèvent des interrogations croissantes. Faut-il les abandonner, comme l’ont déjà fait certains pays européens ? Cet article explore les arguments pour et contre, en s’appuyant sur des données économiques, environnementales et sociales.
1. Un coût de production disproportionné
La fabrication des petites pièces est plus chère que leur valeur faciale. En 2021, produire une pièce de 1 centime coûtait 1,65 centime à l’État français, selon un rapport de la Cour des comptes. Ce déficit s’explique par le prix des métaux (acier cuivré) et les frais logistiques. Au total, les 9 milliards de pièces de 1 et 2 centimes en circulation dans l’Eurozone représentent une charge annuelle de 1,4 milliard d’euros pour les États membres, estime la BCE.
Arguments pour l’arrêt :
- Économies budgétaires pour les États.
- Réduction des coûts de gestion pour les commerçants (tri, transport).
Arguments contre :
- Risque de hausse des prix si les commerces arrondissent à la hausse (phénomène dit de “rounding up”).
2. Une utilisation marginale, mais une symbolique forte
Selon une étude de la Banque nationale de Belgique (2020), 86 % des transactions en espèces se terminent par un arrondi spontané au multiple de 5 centimes le plus proche, rendant les pièces de 1 et 2 centimes superflues. Pourtant, elles restent populaires dans certains pays :
- En Allemagne et en Autriche, les consommateurs y sont attachés pour leur précision comptable.
- En Irlande et aux Pays-Bas, leur usage a drastiquement chuté après des campagnes d’arrondi volontaire.
Exemple finlandais : La Finlande a officiellement cessé de frapper ces pièces dès 2002. Résultat : aucun impact mesurable sur l’inflation, selon la Banque de Finlande. Les prix sont arrondis à la caisse, mais seulement pour les paiements en espèces.
3. Impact environnemental : un bilan lourd
La production annuelle de pièces de 1 et 2 centimes nécessite 5 000 tonnes de métal, selon l’Institut européen du cuivre. Leur recyclage est également problématique : moins de 20 % sont récupérés, le reste finissant dans les tiroirs ou les décharges.
Alternatives proposées :
- Généraliser l’arrondi au multiple de 5 centimes, comme en Suisse (où le “rappen” de 5 centimes est la plus petite unité).
- Accélérer la transition vers le paiement numérique, qui représente déjà 59 % des transactions dans la zone euro (BCE, 2023).
4. Résistances politiques et culturelles
L’élimination des petites pièces se heurte à des obstacles juridiques et psychologiques :
- Les traités européens imposent aux États de mettre en circulation toutes les dénominations de l’euro. Une réforme nécessiterait l’unanimité des 20 pays membres.
- Les craintes d’une perte de confiance dans l’euro persistent, notamment dans les pays méfiants envers l’Union européenne (ex. : Italie).
Position de la Commission européenne : En 2023, une consultation publique a été lancée, mais aucune proposition législative n’a suivi, par crainte de controverses.
5. Le cas français : entre pragmatisme et tradition
En France, les pièces de 1 et 2 centimes représentent 34 % des pièces en circulation (Banque de France, 2023). Leur abandon est soutenu par des associations de consommateurs (UFC-Que Choisir), mais le gouvernement temporise, invoquant la protection des ménages modestes. Pourtant, une expérimentation menée en 2015 à Nantes a montré que l’arrondi n’avait entraîné une hausse des prix que dans 0,3 % des cas.
Conclusion : Vers une disparition progressive ?
Les pièces de 1 et 2 centimes incarnent un paradoxe : omniprésentes mais inutiles, coûteuses mais symboliques. Leur abandon semble inéluctable à moyen terme, comme l’ont montré les exemples finlandais et néerlandais. Pour réussir cette transition, une harmonisation européenne et une campagne pédagogique sur l’arrondi seront indispensables.
Sources principales :
- BCE (2023), Circulation des pièces en euros.
- Cour des comptes française (2021), Coût de production des monnaies.
- Banque nationale de Belgique (2020), Étude sur les habitudes de paiement.
- Eurostat (2023), Tendances des paiements numériques.
Cet article reflète une synthèse de données disponibles en octobre 2023. Les débats politiques et économiques pourraient faire évoluer la situation.